On estime aujourd’hui que sur les 3 millions de personnes “appareillables” en France, seulement 35 % disposent effectivement d’une aide auditive. Bien souvent, le coût prohibitif de ces dispositifs a en effet empêché de nombreuses personnes souffrant de handicap auditif d’y avoir accès. Toutefois, la réforme du « 100 % Santé » proposée en 2019 a permis de donner un nouveau souffle au marché des prothèses auditives grâce à une prise en charge complète ou partielle par l’Assurance Maladie. Cette initiative a-t-elle été couronnée de succès et quelles dérives ont émergé suite à sa mise en place ?
Prothèses auditives remboursées : retour sur le bilan d’une mesure phare
Pour rappel, la réforme du « 100 % santé » permet une prise en charge complète de certaines prestations de soins et d’équipements : les lunettes de vue, les prothèses dentaires ainsi que les aides auditives. Pour ces dernières, cela concerne plus particulièrement les prothèses auditives de classe 1. Aujourd’hui, leur coût est limité à 950 € par oreille. Dans ce prix, 240 € sont pris en charge par l’Assurance maladie et les 710 € restants sont assurés par les complémentaires santé.
Or, le cabinet du ministère s’est récemment déclaré « très satisfait » des effets obtenus suite à cette mesure. En effet, le premier semestre 2021 a été marqué par une hausse « sans précédent » de l’achat d’appareils auditifs. En outre, cette hausse concerne aussi bien les prothèses intégralement remboursées, par exemple en cas d’achat d’un appareil auditif invisible, que celles qui ne le sont pas forcément. Avec 740 000 ventes, on peut noter une augmentation de 85 % des ventes par rapport à la même période en 2019. Les dépenses allouées aux remboursements des prothèses auditives prises en charge à 100 % sont quant à elles passées de 170 millions à 270 millions.
Dans ces chiffres, 40 % des ventes d’audioprothèses enregistrées au premier semestre 2021 ont été entièrement remboursées. Par ailleurs, il est à noter que les personnes en situation de précarité ne sont pas les seules à avoir bénéficié de cette mesure. Seuls 3 % des acheteurs comptabilisés bénéficient ainsi de la Complémentaire santé solidaire. Notons aussi que grâce à cette mesure qui a tiré les prix vers le bas, le prix moyen de toutes les prothèses auditives a au final chuté de 200 euros en deux ans.
Pour transformer l’essai, l’exécutif devra néanmoins s’intéresser au problème du tiers payant en discutant notamment avec les syndicats et professionnels de santé. En effet, seuls 56 % des bénéficiaires d’un appareil auditif sans reste à charge ont pu bénéficier d’une avance de frais.
Une mesure qui apporte aussi son lot de polémiques
Certes, le remboursement intégral des prothèses auditives a fait bondir les ventes au premier semestre. Toutefois, le Syndicat des audioprothésistes (SDA) n’a pas manqué de faire part de son inquiétude quant aux dérapages liés à cette mesure.
Paire de prothèses offerte, lunettes gratuites, pratiques commerciales douteuses, etc. Dans un communiqué, le SDA s’alarme de ces publicités et ne manque pas de rappeler que les prothèses auditives sont des « dispositifs médicaux (qui) ne sauraient être considérés comme de simples biens de consommation ». Cette organisation dénonce des « pratiques opportunistes en totale contradiction avec l’esprit et les objectifs de la réforme » et des « stratégies marketing offensives » financées aux frais de la Sécurité sociale. Aussi, elle demande expressément un meilleur encadrement de la publicité autour des aides auditives.
Au passage, elle rappelle que l’Assurance maladie devrait dépenser cette année 200 millions d’euros de plus pour ce secteur par rapport à 2019. Or, une « partie conséquente est assurément liée à ces pratiques répréhensibles ». Cela pourrait en outre influer sur le coût pour les complémentaires santé. Sur le premier semestre de 2021, leur facture a doublé, s’élevant à 278 millions d’euros supplémentaires.